Vivre,
vouloir vivre dans
cet enfer, n'était pas chose facile.
Résistaient
mieux
à la fatigue du travail très dur et à la faim ceux
qui s'accrochaient dans l'espoir de survivre. Les autres, pessimistes,
perdus, démoralisés, avaient besoin d'être remis
sur
les rails de la volonté et de l'espoir.
Au block 13,
Georges Briquet
connut, pendant quelques jours, une courte période de
pessimisme.
Il se mit à dépérir, tant sur le plan moral que
sur
le plan physique.
On
récupéra,
je ne sais comment, quelques mètres de fil de fer que deux de
nos
amis, très habiles de leurs mains, transformèrent, l'un
en
imitation de micro de radio de l'époque, l'autre en deux
pédales
de vélo avec cale-pieds.
Un soir,
très officiellement,
le tout fut remis à notre populaire reporter du Tour de
France.
On lui
expliqua qu'on
s'était aperçu qu'il avait perdu les pédales donc
les cale-pieds. Ceux qu'on lui avait fabriqués lui
éviteraient
de «pédaler dans la choucroute». Quant au micro, il
lui permettrait de nous faire revivre une arrivée
d'étape.
Inutile de
préciser
que tous les Français, et bien d'autres, oublièrent pour
quelques instants leur univers et participèrent avec joie
à
la remise de ces objets symboliques.
Georges
Briquet ne se
fit pas prier pour relater, derrière ce micro de fortune, une
arrivée
du Tour. Pour un moment, il fut sur le podium du car de la Radio. Quant
aux auditeurs, ils applaudirent la victoire d'on ne sait quel
coureur...Français,
bien entendu.
A partir de
ce jour-là,
Georges retrouva rapidement le moral et ne «perdit plus les
pédales».
"Mémoires
d'un rescapé"
Raoul
Vignettes